Description
Le médaillon, avec un second figurant La chasse au cerf, également conservé au musée des Tissus (inv. MT 25438), appartenait à une tenture commandée en 1533 au brodeur Robert Mestays par Philibert De l'Orme, alors architecte du château d'Anet, pour le compte de Diane de Poitiers. Installé à Paris en 1549, Robert Mestays, originaire de Tours, était attaché au service du roi Henri II depuis 1547-1548, pour lequel il avait brodé des fleurs de lys, coquilles et entrelacs en or superfin sur la bourse de velours noir abritant le sceau du roi, ainsi que le manteau de l'ordre de Saint-Michel destiné au souverain. En 1551, un manteau semblable lui était commandé pour le roi d'Angleterre Édouard VI. En 1552, il apparaît encore dans les comptes de l'écurie du roi. La tenture qu'il doit réaliser pour Diane de Poitiers comprenait huit pièces de broderie sur fond de velours « cramoisy brun toutes remplies de crotesques ». Quatre de ces pièces devaient comprendre sept lés de velours, et les quatre autres, six. Un dais de velours brodé de deux aulnes et demie de longueur sur quatre lés de largeur, avec des pentes doubles d'un demi-lé chacune, complétait l'ensemble. Diane de Poitiers devait mettre à la disposition du brodeur les patrons, qui furent peut-être exécutés par Charles Carmoy, peintre en titre de la favorite à l'époque, et les matériaux, toiles d'or, toiles d'argent et velours, Robert Mestays fournissant lui-même les fils d'or et d'argent superfins, ainsi que les soies à broder. Le marché a été passé le 21 janvier 1553, le délai de réalisation étant de un an à compter du jour où le commanditaire aurait fourni tout ce qui était prévu pour l'exécution. Les deux seuls éléments subsistant de cette commande ont été acquis à la vente de la collection Spitzer, qui s'est déroulée à Paris du 17 avril au 16 juin 1893 (numéros 3157 et 3158 de la vente). Dès 1890, Louis de Farcy, dans La Broderie du XIe siècle jusqu'à nos jours, avait mis en relation ces deux médaillons avec des scènes décrites dans la tenture des Plaisirs ou divertissements du feu Roy mentionnée dans l'inventaire après décès de Gabrielle d'Estrées au château de Montceaux. La tenture y est décrite ainsi : « une tente de tapisserie de velours brun tanné, en broderie d'or et d'argent, contenant huict pièces, où est représenté les plaisirs du feu roy Henry, et sur le reste du champ de velours, des crotesques faites de broderies : ayant trois aulnes et demie de hault. [...] Chacune de ces pièces, de six ou sept lez de large, représentait, à l'ovalle du milieu, l'un des plaisirs du roi. C'étaient : le combat du taureau, un combat ou tournoy, le combat de l'ours, un combat à la barrière, la chasse du cerf, le jeu de ballon, la chasse du sanglier, le jeu de l'arc. [...] Avec ladite tenture, un daiz pareil, ayant aussy au mitan une ovale en broderie, où est représenté le feu roy en festin. Ledit laiz ayant cinq lez, et deux aunes ung quart de long. » Cette même tenture est encore décrite dans l'inventaire des meubles du cardinal Mazarin : « Une tenture de tapisserie de velours de Milan rosin cramoisy à grotesque, dessins de Raphaël, en broderie d'or et d'argent et soie à petit point, rapportée sur ledit velours, composée de neuf pièces, dans le milieu de chacune desquelles est une grande médaille où sont représentées les actions de vie de François premier (sic) ; au haut de chacune pièce sont les armes et chiffres de S. E., la dite tapisserie haute de trois aunes moins un seizième et ayant de tour sçavoir : la première qui représente un tournois à cheval : 3 au. moins 1/16 ; la deuxième, le combat du taureau avec les chiens : 3 moins 1/16 ; la troisième, un combat d'our : 2 1/2 ; la quatrième, la chasse du sanglier : 2 1/2 ; la cinquième, le jeu de l'arc : 3 moins 1/16 ; la sixième, le combat à la barrière : 2 1/2 ; la septième, la chasse du cerf : 2 1/2 ; la huitième, le jeu du balon : 3 moins 1/16 ; la neufvième et dernière sans bordure pour mettre sur une cheminée, haute de deux aunes un quart et ayant de tour : 2 au. demy tiers. Cette dernière pièce n'est pas rechargée de broderie comme les autres, elle représente le festin. Les huit premières pièces sont doublées partout de toille rouge, la neufvième ne l'est pas. » Une dernière mention de ces tentures existe dans l'inventaire du mobilier de la Couronne, dressé sous Louis XIV : « Une tenture de tapisserie de velours tanné rosin cramoisy, à crotesques, dessein de Raphaël, en broderie d'or, d'argent et soye rapportée sur ledit velours, composée de neuf pièces, dans le milieu de chacune desquelles il y a une grande ovalle, aussi en broderie, où sont représentez les divertissements de François premier et de Henry second, ladite tapisserie de 23 aunes 1/2 de cours, sur 3 aunes moins 1/16 de hault, doublée de toile rouge. » Le passage de la tenture brodée de la favorite royale d'Henri II, Diane de Poitiers, à celle d'Henri IV, Gabrielle d'Estrées, avant son entrée dans les collections de Mazarin puis de la Couronne a pu se passer de la sorte : à la mort de Diane de Poitiers, en 1566, le château d'Anet et ses collections échurent à sa fille, Louise de Brézé, épouse de Claude de Lorraine, duc d'Aumale, grand veneur de France, puis à leur fils, Charles de Lorraine, duc d'Aumale et grand veneur de France également. Mais ce dernier, un des chefs les plus ardents de la Ligue, livra des places fortes de Picardie aux Espagnols, fut pris les armes à la main en juillet 1595 et condamné par le Parlement de Paris à être écartelé, jugement qui fut exécuté en effigie. Ses biens devaient lui être confisqués. Peut-être, à cette occasion, le duc remit-il les tentures de sa grand-mère au roi, à moins que ses dettes ne l'aient obligé à les vendre à Henri IV ou à Gabrielle d'Estrées ou à leur laisser en gage. Le Combat de l'ours présente l'animal, au premier plan, attaché à un pieu, devant un chien renversé qu'il a commencé à dévorer. D'autres chiens, excités ou retenus par leur maître, se ruent sur l'ours. Dans le fond se dresse un portique, devant lequel est une tribune. Parmi les spectateurs, on reconnaît Henri II sur la gauche. Diane de Poitiers, identifiable au croissant qui orne sa chevelure, est debout dans une robe richement ornée. Un éventail de plumes à manche orfèvré pend à sa ceinture. Sur la droite, une femme est assise à une place marquée par une étoffe frangée. Il s'agit sans doute de Catherine de Médicis. Elle tient à la main son éventail dans lequel est incrusté un miroir.
Maximilien Durand