Description
Les différents fragments présentent un décor ivoire, ocre et vert sur un fond bleu foncé. Des oiseaux, cailles ou perdrix, sont affrontés par paires. Chaque couple pince dans le bec un anneau retenant une perle ovale. Cet anneau est lui-même suspendu à un gros cabochon en forme de goutte, enchâssé dans une monture bordée de postes et fleuronnée en partie supérieure. Entre chaque paire d’oiseaux prend place un grand trèfle dont les deux feuilles latérales comprennent un dauphin, peu lisible aujourd’hui. La tige du trèfle est remplacée par une palmette. Une autre palmette, dressée sur un piédestal crénelé, occupe l’espace supérieur entre les trèfles, au-dessus du cabochon. Le dessin est reproduit au registre suivant, mais les trèfles ont été remplacés par de grosses fleurs, juchées sur une mince tigelle feuillue.
Par son iconographie, la soierie est comparable à quelques exemplaires de manchettes découverts par Albert Gayet en 1897 et en 1898. Les tonalités de la composition et les grandes fleurs sur tige rappellent l’exemplaire extrait de la tombe B 253 (inv. MT 26818.18), les oiseaux et les trèfles ornés, celui découvert dans la sépulture B 158 (inv. MT 26812.12), tandis que des dauphins similaires habitent les feuilles d’une palmette sur la soierie extraite de la tombe B 218 (inv. MT 26812.15). Tous sont des samits façonnés, tissés sur des fils de chaîne beige de torsion Z ; la proportion entre les fils de chaîne pièce et les fils de liage est équivalente, de une pour une ; l’étoffe, liée en sergé, est tissée avec des passées suivies de trois lats au moins, souvent quatre ou cinq, dont certains lattés ou interrompus ; généralement, la densité des chaînes est relativement faible par rapport au nombre des passées. Ces caractéristiques sont propres à la tradition de tissage méditerranéenne, et plus particulièrement égyptienne qui, au courant du Ve siècle, voit évoluer les savoir-faire et commence à réaliser des samits façonnés à trois lats ou plus. Le tisserand opère alors depuis l’envers du tissu. Le groupe peut avoir été produit entre le milieu du Ve siècle et le début du VIIe siècle.
Par rapport aux soieries présentées dans l’exposition de 1898 comme étant des manchettes, cet exemplaire ne comporte pas les doubles bordures, en partie supérieure et inférieure, qui signalent généralement ces éléments. De plus, le motif disposé sur plusieurs registres répétés avec des variantes est plus proche de celui qui apparaît sur des fragments conservés à la Fondation Abegg de Riggisberg (inv. Nr. 4092 et Nr. 4092 a). La composition y fait alterner des registres avec des couples d’oiseaux affrontés, l’aile déployée et la tête retournée, et avec des griffons. Tous reposent sur des bases crénelées, auxquelles sont suspendues des palmettes ou des coupelles grenues évoquant peut-être un fruit. Cette soierie, découpée en bandes, bordées par des replis de couture, était probablement appliquée au bord d’un vêtement. On ignore, malheureusement, de quel type de parement provient l’exemplaire lyonnais.
Maximilien Durand